lundi 23 avril 2012

Une après-midi au hammam...





Je me dis souvent qu’il faudrait que j’aille régulièrement au hammam. 

Pas seulement pour lustrer ma peau au savon noir et au ghassoul, pas seulement pour mariner dans la vapeur jusqu’à détente totale de chacun de mes muscles, pas seulement non plus pour bavasser entre copines les seins à l’air. Même si ça en fait partie.

Ce qui me plait aussi, au hammam, c’est cette communauté de femmes réunies pour quelques heures ritualisées, hors du temps.  Le plus parlant étant peut-être celui de la Mosquée de Paris. Ici, on y vient parfois en famille, enfants, jeunes filles, mères, grands-mères, exécuter les mêmes gestes : trente minutes dans le hammam chaud, savon noir, pose, gommage, rinçage, enveloppement au ghassoul, pose, rinçage. Et tout le monde se frotte au gant de kessa dans une proximité moite qui n’a rien de sexualisée. C’est peut-être ça la première leçon qu’on en retire : un rapport au corps un peu plus sain que l’image qu’on veut bien nous en donner au quotidien. 

Je me souviens de la première fois (ou presque) que j’ai vu un corps de femme nue. J’avais vingt ans, premier voyage en Islande, et je n’étais déjà plus une toute petite fille. Là-bas, les douches se prennent obligatoirement à poil. Ce qui peut paraitre bizarre quand on débarque là-bas, mais quand on y réfléchit, c’est quand même mille fois plus hygiénique. Bref. Contrainte et forcée, je me déshabille donc moi aussi, et je me rends compte tout d’un coup que cela me vient bien plus naturellement que ce que je ne pensais. Contrairement aux vestiaires d’EPS ou de cours de danse où je me contorsionnais pour ne pas montrer un seul centimètre de peau. La différence, cette fois, c’était que tout le monde était dans le même cas, et tout le monde trouvait ça normal. Il n’y avait rien d’indécent ou de choquant. C’était dans l’ordre des choses.
Mais le grand déclic a été de pouvoir voir à quoi ressemble une femme. Ca peut paraitre un peu naïf, mais avant cette expérience, je me suis rendue compte que je n’avais jamais été vraiment confrontée à la nudité d’une femme. Et j’ai vu que je n’avais finalement rien de difforme. Que j’étais peut-être même pas trop mal foutue. Que je ressemblais plus ou moins à la majorité des femmes dans cette pièce. Une très grande étape dans l’acceptation d’un corps pendant longtemps rejeté. 

Après ça, je me suis rendue régulièrement au hammam. D’une part parce que j’aimais cette idée de me reconnecter avec mes racines orientales (alors qu’il n’y avait pas vraiment de tradition de hammam en Arménie et que ma famille n’y va plus depuis quelques générations, mais bon…), de retrouver une espèce de rituel social d’un autre temps, et parce qu’il me fait me sentir belle. Parce qu’il me permet de recadrer mon regard sur ce qu’est réellement la féminité au quotidien par opposition aux affiches dans le métro qui nous balancent des bombasses en soutien gorge pour nous vendre du yaourt. 

En sortant de là, je me sens à la fois déchargée de trois kilos de peaux mortes, et de vingt tonnes d’idées reçues sur ce à quoi ressemble un corps féminin en vrai. Ca fait pas mal de poids en moins. 

Meilleur hammam visité so far : Les Cent Ciels
Décor des mille et unes nuits & ambiance feutrée. On peut s'allonger sous un ciel étoilé dans le hammam chaud, se rafraichir dans le bassin illuminé, rester des heures à discuter autour de la fontaine en mosaïque et s'attarder dans les salles de détente et vestiaires qu'on ne veut plus jamais quitter. Bonheur bonheur. 

Pour petits budgets : Hammam de la Mosquée de Paris
Hammam traditionnel & basique mais peu cher par rapport à la plupart des lieux parisiens.
Mieux vaut y aller avec son propre matériel (savon noir & gant) et éviter le samedi après-midi.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire