Or donc, Midsommar.
Midsommar, en Suède, c’est une institution. A tel point que
certain ont réclamé que ce jour devienne la fête nationale du pays. Il s’agit – pour faire simple – de fêter l’été. En
général, les Suédois quittent les villes pour partir dans la campagne, dans
leur famille ou leur maison, et communier avec la nature. La fête traditionnelle
est très familiale : il s’agit d’ériger un grand poteau décoré de fleurs
et de danser autour au son des chants traditionnels – dont la fameuse danse de
la grenouille. Avec ça, ils mangent des « herring », du poisson mariné et
des pommes de terre avec de la crème. Dernière tradition : les couronnes
de fleur que les jeunes filles se confectionnent avec – en théorie – neuf différents
types de fleur. Si l’on met ensuite ces fleurs sous l’oreiller, la légende veut
qu’on rêvera de sont futur époux. Je crois l’avoir fait l’année dernière pour
mon premier Midsommar, mais ça n’a pas
été très concluant. Pendant cette première expérience dans la forêt de Gunnebo
Slott, près de Göteborg, je me souviens de cette impression d’innocence en
voyant tous ces petits hippies tourner autour d’un mât en chantant des chansons
sur les grenouilles. Cette année, une Suédoise rencontrée à Midsommar me dit qu’il
y a de fortes chances que le poteau soit en fait un énorme phallus qui viendrait
féconder la terre. L’image me parait tout de suite un peu moins naïve. Je
visualise plutôt bien la métaphore sexuelle maintenant, et je vous assure que c’est
perturbant de voir toutes les familles danser en chantant autour d’un sexe
géant.
Bref.
Pour cette célébration, j’ai donc rejoint un groupe de
Couchsurfers à Kulturen, le musée traditionnel de Lund, dans lequel on peut
visiter des maisons « à l’ancienne » et des galeries qui réunissent
des objets de tous les temps, du Moyen Age au monde contemporain. L’une des
dernières salles, par exemple, se
partage entre la broderie et les tatouages. Les explications étant en suédois,
je ne peux pas dire exactement quel lien est fait entre les deux, mais il y a
de l’idée. J’aime ce processus de commencer à récolter les objets du monde d’aujourd’hui
pour les futures générations. Qu’est-ce qu’ils retiendront de nous ? Les
Iphones ? Ca les fera bien marrer à mon avis.
Tous les ans, les Suédois espèrent qu’il fera beau pour
Midsommar mais tous les ans, c’est la débâcle. Cette année n’a pas fait
exception, et nous avons donc regardé les familles danser sous la pluie, avant
d’être rapatriés dans une salle dans laquelle une compagnie nous a fait une
démonstration de danses traditionnelles. C’était beaucoup moins impressionnant
que ce que j’avais pu voir, mais ça restait amusant. Ce sont ces types de danse
où les garçons et les filles sont face à face, ou dans des cercles différents,
et où l’on change de cavalier régulièrement. Un peu le « speed dating »
de l’ancien temps, si on veut. C’est en tout cas ce qui m’a frappée, à quel
point toutes ces danses ont été pensées pour permettre aux jeunes de se
rencontrer, de se fréquenter, de faire son petit marché entre les danseurs en
laissant un peu sa chance à chacun. On passe d’un partenaire à l’autre, on a le
temps de se dire quelques mots, de se jauger, de se plaire ou non. Le monde n’a
pas spécialement changé finalement.
Et puis je me suis forcément mise à penser à ce film génial
qu’est « Ensemble nous allons vivre une très très grande histoire d’amour »,
à son ouverture sur les danses traditionnelles de chaque région avec un Julien
Doré déjà hilarant, à ses couleurs, à son soleil, et j’ai presque eu l’impression
d’être plongée dans cette histoire.
Une fois les danses terminées, nous avons enchainé dans le
programme. Au départ, un barbecue était prévu dans un parc, mais le temps n’étant
pas propice, un des Couchsurfers nous avait invités dans l’appartement d’un
illustre inconnu. Nous avons donc débarqué, une petite dizaine, chez Federico,
un Equatorien venu habiter en Suède depuis pas mal de temps maintenant. L’arrivée
était un peu étrange, nous, groupe d’une moyenne d’âge de 20/25 ans, et les
autres, un peu plus âgés que nous. Mais au fur et à mesure de la soirée, l’ambiance
s’est réchauffée, et l’immense appartement de Federico a finalement été rempli
de personnes qu’il ne connaissait pas – ce qui n’avait pas l’air de l’inquiéter,
d’ailleurs. J’ai croisé ce soir là tout un groupe de Françaises, dont Nadège,
travaillant dans un laboratoire de biologie à Lund, un Allemand ayant passé
deux mois au Tibet où il a rencontré sa copine suédoise, un Américain installé
depuis plus de dix ans au Danemark, un Tchèque en plein voyage d’affaire qui
distribuait un alcool au goût de cannelle, ramené de chez lui, un Suédois
montant une affaire de coaching entrepreneuriale, un Espagnol au sourire
méditerranéen commençant à prendre les paris pour le match France / Espagne, et
un homme un peu étrange avec un t-shirt « The best way to show your love
to someone is fistfucking ». Soit.
Cette soirée fut une vraie réussite, pleine de bonne ambiance
et de bonnes rencontres (sauf peut-être le gars au t-shirt, quand même). Je
vois déjà un petit réseau se former dans tout ça, et je suis heureuse de partir
à la découverte de nouvelles personnes. J’ai revu Federico et l’Espagnol pour
le match, et les rejoindrai sans doute pour la finale. J’ai aussi revu les
Françaises lors d’un barbecue organisé par le Tchèque, et puis encore Nadège,
aujourd’hui, pour nous balader avec Maria, une jeune fille rencontrée dans un
train lorsque j’étais perdue entre Malmö et Lund.
Il y a eu beaucoup de soleil cette semaine – au sens
littéral et métaphorique.
Je l'ai senti partout, dans ma tête et sur ma peau.
Je me suis retrouvée
plusieurs fois à marcher dans les rues avec un grand sourire aux lèvres, de la lumière derrière les yeux, me
disant que j’étais tellement heureuse… que ma seule peur maintenant serait que
ça s’arrête.