samedi 30 juin 2012

30/06/2012 : Le soleil est là




Or donc, Midsommar.

Midsommar, en Suède, c’est une institution. A tel point que certain ont réclamé que ce jour devienne la fête nationale du pays. Il s’agit –  pour faire simple – de fêter l’été. En général, les Suédois quittent les villes pour partir dans la campagne, dans leur famille ou leur maison, et communier avec la nature. La fête traditionnelle est très familiale : il s’agit d’ériger un grand poteau décoré de fleurs et de danser autour au son des chants traditionnels – dont la fameuse danse de la grenouille. Avec ça, ils mangent des « herring », du poisson mariné et des pommes de terre avec de la crème. Dernière tradition : les couronnes de fleur que les jeunes filles se confectionnent avec – en théorie – neuf différents types de fleur. Si l’on met ensuite ces fleurs sous l’oreiller, la légende veut qu’on rêvera de sont futur époux. Je crois l’avoir fait l’année dernière pour mon premier Midsommar,  mais ça n’a pas été très concluant. Pendant cette première expérience dans la forêt de Gunnebo Slott, près de Göteborg, je me souviens de cette impression d’innocence en voyant tous ces petits hippies tourner autour d’un mât en chantant des chansons sur les grenouilles. Cette année, une Suédoise rencontrée à Midsommar me dit qu’il y a de fortes chances que le poteau soit en fait un énorme phallus qui viendrait féconder la terre. L’image me parait tout de suite un peu moins naïve. Je visualise plutôt bien la métaphore sexuelle maintenant, et je vous assure que c’est perturbant de voir toutes les familles danser en chantant autour d’un sexe géant.

Bref.

Pour cette célébration, j’ai donc rejoint un groupe de Couchsurfers à Kulturen, le musée traditionnel de Lund, dans lequel on peut visiter des maisons « à l’ancienne » et des galeries qui réunissent des objets de tous les temps, du Moyen Age au monde contemporain. L’une des dernières salles, par exemple,  se partage entre la broderie et les tatouages. Les explications étant en suédois, je ne peux pas dire exactement quel lien est fait entre les deux, mais il y a de l’idée. J’aime ce processus de commencer à récolter les objets du monde d’aujourd’hui pour les futures générations. Qu’est-ce qu’ils retiendront de nous ? Les Iphones ? Ca les fera bien marrer à mon avis.

Tous les ans, les Suédois espèrent qu’il fera beau pour Midsommar mais tous les ans, c’est la débâcle. Cette année n’a pas fait exception, et nous avons donc regardé les familles danser sous la pluie, avant d’être rapatriés dans une salle dans laquelle une compagnie nous a fait une démonstration de danses traditionnelles. C’était beaucoup moins impressionnant que ce que j’avais pu voir, mais ça restait amusant. Ce sont ces types de danse où les garçons et les filles sont face à face, ou dans des cercles différents, et où l’on change de cavalier régulièrement. Un peu le « speed dating » de l’ancien temps, si on veut. C’est en tout cas ce qui m’a frappée, à quel point toutes ces danses ont été pensées pour permettre aux jeunes de se rencontrer, de se fréquenter, de faire son petit marché entre les danseurs en laissant un peu sa chance à chacun. On passe d’un partenaire à l’autre, on a le temps de se dire quelques mots, de se jauger, de se plaire ou non. Le monde n’a pas spécialement changé finalement.

Et puis je me suis forcément mise à penser à ce film génial qu’est « Ensemble nous allons vivre une très très grande histoire d’amour », à son ouverture sur les danses traditionnelles de chaque région avec un Julien Doré déjà hilarant, à ses couleurs, à son soleil, et j’ai presque eu l’impression d’être plongée dans cette histoire.

Une fois les danses terminées, nous avons enchainé dans le programme. Au départ, un barbecue était prévu dans un parc, mais le temps n’étant pas propice, un des Couchsurfers nous avait invités dans l’appartement d’un illustre inconnu. Nous avons donc débarqué, une petite dizaine, chez Federico, un Equatorien venu habiter en Suède depuis pas mal de temps maintenant. L’arrivée était un peu étrange, nous, groupe d’une moyenne d’âge de 20/25 ans, et les autres, un peu plus âgés que nous. Mais au fur et à mesure de la soirée, l’ambiance s’est réchauffée, et l’immense appartement de Federico a finalement été rempli de personnes qu’il ne connaissait pas – ce qui n’avait pas l’air de l’inquiéter, d’ailleurs. J’ai croisé ce soir là tout un groupe de Françaises, dont Nadège, travaillant dans un laboratoire de biologie à Lund, un Allemand ayant passé deux mois au Tibet où il a rencontré sa copine suédoise, un Américain installé depuis plus de dix ans au Danemark, un Tchèque en plein voyage d’affaire qui distribuait un alcool au goût de cannelle, ramené de chez lui, un Suédois montant une affaire de coaching entrepreneuriale, un Espagnol au sourire méditerranéen commençant à prendre les paris pour le match France / Espagne, et un homme un peu étrange avec un t-shirt « The best way to show your love to someone is fistfucking ». Soit.

Cette soirée fut une vraie réussite, pleine de bonne ambiance et de bonnes rencontres (sauf peut-être le gars au t-shirt, quand même). Je vois déjà un petit réseau se former dans tout ça, et je suis heureuse de partir à la découverte de nouvelles personnes. J’ai revu Federico et l’Espagnol pour le match, et les rejoindrai sans doute pour la finale. J’ai aussi revu les Françaises lors d’un barbecue organisé par le Tchèque, et puis encore Nadège, aujourd’hui, pour nous balader avec Maria, une jeune fille rencontrée dans un train lorsque j’étais perdue entre Malmö et Lund.

Il y a eu beaucoup de soleil cette semaine – au sens littéral et métaphorique.
Je l'ai senti partout, dans ma tête et sur ma peau.

Je  me suis retrouvée plusieurs fois à marcher dans les rues avec un grand sourire aux lèvres, de la lumière derrière les yeux, me disant que j’étais tellement heureuse… que ma seule peur maintenant serait que ça s’arrête.

dimanche 24 juin 2012

21.06.2012 : Dreaming away




Depuis que Nyamuk est parti en Indonésie, je me couche plus tôt. Et donc, je dors plus longtemps. Et donc, je me remets à rêver. Pendant longtemps, je n'ai pas vraiment rêvé - que ce soit à cause de nuits trop courtes ou à cause de somnifères. Je crois que mes rêves me faisaient très peur. Ce n'est que récemment que j'ai "accepté" de laisser ma tête faire son petit travail de tri. J'appréhende encore un peu, parfois, mais je me rends compte que mes idées sont quand même beaucoup mieux rangées qu'avant. Ca vaut le coup de laisser faire, finalement. Je commence même à plutôt kiffer ça.


Depuis mon arrivée ici, je carburais plutôt à six heures de sommeil. Non pas que j’ai l’habitude de dormir beaucoup plus normalement, mais depuis mon retour de Bali, mes nuits duraient au moins dix heures. Un peu trop peut-être, mais on finit par prendre le rythme. Je commence donc à comprendre qu’il faut que j’atteigne au moins la barre des huit heures pour que mon cerveau se mette à faire le tri pour produire des histoires – souvent absurdes.

En début de semaine, nous sommes partis à Göteborg avec Trans Europe Halles, pour organiser notre prochain meeting qui se déroulera fin septembre dans deux centres culturels : Röda Sten et Konstepidemin. Le premier est situé sous un pont, près du port duquel partent les ferrys qui relient la Suède et le nord du Danemark. «Röda Sten » signifie « pierre rouge » et ce nom vient d’un rocher peint en rouge depuis des années, au bord de l’eau. Il s’agit essentiellement d’un lieu d’expositions pour les arts plastiques, mais ils ont aussi un restaurant qui se transforme en club à l’occasion. L’autre centre, Konstepidemin, est en fait un ancien hôpital et le nom est un jeu de mot sur « l’épidémie de l’art ». L’endroit est géré par une communauté d’artistes qui travaillent ici, mais ils accueillent aussi des personnes extérieures en résidence ou en programmation. On y trouve beaucoup de plasticiens, mais aussi un studio de musique qu’on peut louer à la journée. J’avais visité ces deux centres l’année dernière, et j’étais tombée amoureuse de Konstepidemin, de ces petits bâtiments réunis autour d’espaces ouverts où on peut lézarder (quand il y a du soleil).

Les journées de travail ont été particulièrement fatigantes. Il fallait suivre et essayer de prendre part à un processus déjà en place depuis plusieurs mois, tenter de s’y intégrer. Le soir, je tombais comme une masse – et le fait de partager ma chambre avec Birgitta a sans doute joué dans le fait que je devais me coucher plus tôt que d’habitude. Et mon cerveau avait apparemment beaucoup de choses à évacuer. Les deux nuits passées là bas ont été pleines de rêves plutôt violents où je tuais beaucoup de personnes sans le faire exprès, où j’étais attaquée par d’autres puis en cavale. Le genre de rêves qui parait très réel et après lesquelles on se réveille en se demandant si on a effectivement tué quelqu’un ou non.

Cela dit, après toutes ces turbulences, j’ai eu la sensation d’avoir fait une bonne vidange et je me sens un peu plus calme. Tout ici me rend plus calme, en même temps. Le rythme de vie est très différent, et je sens que je m’y fais plutôt facilement. Les horaires de bureau : 9h / 16h30, pour tout le monde ou presque. On nous rappelle souvent qu’on a une vie en dehors du travail, qu’il faut aller faire du sport – quitte à quitter le boulot plus tôt. Les rues sont calmes ; même la pluie parait moins stressante puisque tout le monde à l’air de ne pas vraiment s’en soucier. Comme me l’a dit une Suédoise il y a quelques jours, si on s’empêchait de vivre quand il pleut ici, on ne sortirait pas beaucoup de chez soi. Sauf que le temps a été plutôt clément, jusqu’à présent.

Tout ça fait que je prends un rythme de vie aussi très différent de celui que j’avais à Paris – et pour l’instant, ça ne me pèse pas. Au contraire.

Je me souviens de mon cousin, lors de mon dernier jour à San Francisco. Nous avions fait une promenade dans un quartier plein de maisons très « high standard ». Il m’avait parlé de sa philosophie de vie ; pour lui, on ne pouvait pas évoluer constamment. Il s’agit plutôt d’avancer par paliers. D’arriver à un palier, et d’y rester un moment avant de gravir un autre échelon. Je me souviens du dessin qu’il avait fait sur le mur avec son doigt.

Je sens clairement que je viens d’atteindre un palier, que je vais m’y poser un moment, faire ce que j’ai à y faire, avant de pouvoir passer à autre chose la conscience tranquille.


Nyamuk n’en revient pas trop quand je lui dis que pour l’instant, une sortie par semaine me suffit. Mais j’ai trop de choses à faire avec moi-même. Continuer à rêver, par exemple.