Je ne me lasse décidément pas de cette saison. Jour après
jour, les couleurs sont un peu moins vives, mais la lumière se fait de plus en
plus dorée. Il fait maintenant un froid glacial, et les gelées du matin durent plus longtemps. Avec tout ça, je n’ai plus qu’une envie :
rester à l’intérieur en buvant des boissons chaudes, enroulées dans un plaid,
en écoutant mes playlists d’hiver.
Voilà ce que je recherche en ce moment : des ambiances
cosy et confortables. Et en recherchant cela, je remonte petit à petit le
temps. Je me rends compte que ce sont dans les souvenirs du passé que je
retrouve le plus ces moments de chaleur. D’abord, je me suis remise à la
cuisine. J’ai commencé par refaire des bredele, comme je faisais tous les
hivers quand je vivais chez mes parents. Avec les ingrédients suédois et sans
balance… ce qui a donné un résultat assez expérimental. Même résultat hier en
faisant des beureks pour un dîner international pour lequel chaque personne
avait amené des spécialités de son pays : fondue suisse, panade aux crevettes
portugaise (Sandrine, si tu me lis, c’était le meilleur plat de la soirée !),
galettes de pomme de terre allemande, quiche lorraine française, (sorte de)
moussaka perse, gâteau au chocolat et crumble aux pommes suédois, coulis de
fruit rouges danois etc. De quoi bien se péter le bide pour une soirée pleine
de monde dans un corridor étudiant.
Mais surtout, depuis peu, je replonge dans l’adolescence
avec Nadège. Il y a deux semaines, elle a déménagé dans une ancienne ferme au
milieu d’un champ, une maison tout en bois, mansardée, dans laquelle on a envie
de rester tout l’hiver. Je suis littéralement tombée amoureuse de cet endroit.
Depuis, je vais de temps en temps chez elle pour des soirées filles comme je n’en
avais pas faites depuis le collège. Echanges de point de vue sur les relations
hommes femmes, un verre de rhum orange à la main, avant de passer au visionnage
des films les plus girly possibles. Et notamment « Dirty Dancing »
que je n’avais vu qu’une seule fois dans l’appartement d’une copine à Boulogne,
à une époque où je me souviens vaguement qu’on se retrouvait chez elle pour
chanter « Ti Amo » ou Kool & The Gang pendant la pause déjeuner –
si mes souvenirs sont bons. J’ai vu ce film avec des yeux totalement différents
cette fois : je crois qu’il m’avait paru niais à l’époque – je n’avais
sans doute pas été très sensible au sous-texte. Cette fois, mon regard d’adulte
m’a permis de retomber dans l’adolescence aux hormones sensibles. Plutôt paradoxal !
Et vendredi dernier, enfin, je suis repartie encore plus loin en
arrière, dans l’enfance. Birgitta avait organisé une « bird therapy »
pour soigner ma peur des oiseaux. Elle nous a emmenés, Madis, Virginia et moi,
près d’un grand lac proche de chez elle. Il y avait une tour pour observer les
oiseaux, et aussi une grande passerelle qui traversait des hautes herbes
laineuses pour atteindre l’eau. Cachée dans les cabanes en bois, j’étais
complètement fascinée par la vue à travers les jumelles. J’ai eu, évidemment,
une pensée pour Vicken, en me disant qu’il faudrait absolument l’emmener ici
quand il viendra me rendre visite.
Après cette petite expédition au bord de l’eau, retour dans
la foret où nous avons fait cuire des saucisses sur un feu de bois en buvant du
chocolat chaud. Il faisait un soleil magnifique – et je me revoyais dans le champ
normand de ma grand-mère autour du feu que l’on faisait au milieu de la nuit
avec mes frères. Ces moments m’ont manqués – ces moments me manquent. J’ai
englouti ma saucisse végétarienne pour ravaler mon émotion.
Nous sommes allés passer la fin de la journée chez Birgitta.
Depuis près de cinq ans, elle est installée avec son ami dans cette ancienne
ferme de 200 m² qu’ils retapent petit à petit. L’endroit est superbe. De grandes
baies vitrées au rez-de-chaussée et sous les toits font rentrer la lumière
blanche de la campagne. Dans le salon, nous avons allumé un feu de cheminée,
ouvert une bouteille de vin et joué du piano en chantant des chansons
sud-américaines (et Joe Dassin). Le soir, Birgitta avait préparé une
bouillabaisse (sans moules) pour me faire goûter le plus français des plats
français (selon les Suédois, apparemment) mais que je n’avais jamais mangé. J’avais
l’impression d’être dans un petit cocon suspendu dans le froid.
Après cette
journée, j’ai évidemment dit à Nyamuk que quand nous serions plus vieux, nous
achèterions nous aussi une ferme à retaper pour y ouvrir un bed and breakfast
et héberger nos huskies. Je ne suis pas sure qu’il soit 100% motivé pour l’instant,
mais nous avons encore quelques années devant nous pour le convaincre.
Voilà mon automne suédois : je retrouve des saveurs que
je n’avais pas goûtées depuis longtemps et qui m’avaient manquées, les épices de
ces moments pendant lesquels je me suis réellement sentie à ma place. Et je
commence à construire en pensée mon avenir en les incluant, cette fois, parce que
je vois maintenant que je me sens à vif quand elles ne sont plus là.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire