jeudi 19 avril 2012

No Futur : vis ma vie d'extime.

* Vision du futur *

Aujourd’hui, j’ai appris un nouveau mot : « extime ».

J’ai d’abord prononcé ce mot avec l’accent british, et je me suis dit que ça avait franchement de la classe. « Extime ». Ca pourrait être une nouvelle avancée scientifique qui permettrait de créer des couloirs dans le temps ? Ou la découverte d’univers parallèles ?

En tout cas, j’ai trouvé ce mot tout à fait futuriste, et il m’a fait – soyons honnête – franchement fantasmer. Il y a une vingtaine d’années (mon dieu, le bon coup de vieux), on m’aurait dit : « Dans les années 2010, le monde sera « extime », mon imaginaire se serait probablement emballé vitesse grand V.

Il faut dire que, petite, j’étais pas mal fascinée par ce qu’il adviendrait de nous. Après avoir paniqué en lisant que le soleil se rapprochait de la Terre et finirait par nous carboniser, ma mère m’a longuement expliqué qu’il était fort peu probable que je vive plusieurs milliards d’années. Ce que j’ai trouvé un peu présomptueux de sa part. Mais enfin, soit, j’ai fini par me faire à l’idée que je ne connaitrai peut-être pas cette époque de mort annoncée.

Par contre, il était évident que je serai encore sur Terre au moment de l’an 2000, et ce chiffre-là me faisait rêver. J’imaginais que la vie serait comme dans ce dessin animé qui transpose la famille Pierrafeu dans le futur. Enfin, ça, c’est ce dont je me souviens, mais de multiples recherches Google ne m’ont pas fait retrouver ce fameux passe-temps télévisuel. Il y avait en tout cas, des soucoupes volantes, et des appartements hyper modernes, qui ressemblaient étrangement – maintenant que j’y pense – à la maison de la famille très très riche dans le film « Mon Oncle ». Il n’est pas impossible que mon jeune cerveau ait mixé les Pierrafeu avec le film de Jacques Tati, mais enfin, « Mon Oncle » a aussi fortement influencé la vision que je me faisais des années 2000. Je me souviens surtout de cette carafe d’eau dont le fond était en forme de culbuto. Je n’avais aucune idée de l’utilité de la chose, mais ça me semblait aussi très futuriste.

Mais ce qui me semblait le plus futuriste du futuriste, c’était : LES VETEMENTS ARGENTES. J’étais persuadée qu’en l’an 2000, tout le monde se promènerait en combinaison en aluminium. Et éventuellement que nous nous déplacerions en voitures volantes, mais cette technologie pourrait peut-être prendre plus de temps. Mais pas les vêtements argentés. Impossible.

Et puis, les années ont passé, l’an 2000 approchait, et point d’aluminium sur mes gilets. J’ai vaguement tenté de lancer la tendance en arborant des Doc Martens argentées, mais ça n’a pas vraiment marché. J’avais juste l’impression d’être une cosmonaute dans la cour de l’école, et ça n’impressionnait absolument personne (l’adolescence est vraiment une période difficile).

Et puis, l’an 2000 est arrivé. Et c’était franchement décevant.

Jusqu’à ce que mon père (médecin) installe un truc absolument incroyable dans son cabinet : INTERNET.
Je me souviens de la première fois que j’ai cru voir le futur s’ouvrir devant moi. Nous étions avec mes frères et ma cousine devant l’ordinateur de mon père. Et… tout… doucement… une… image… s’affichait… sur…l’écran (admirons ensemble cette superbe imitation du 56k).

Ce n’est pas tant INTERNET en soi qui me fascinait parce que bon, je ne comprenais pas grand-chose du fonctionnement de tout ça à l’époque - ha tiens, voilà quelque chose qui n’a pas changé - mais ce qui était formidable, c’était qu’on pouvait PARLER avec des gens qu’on ne CONNAISSAIT PAS, et qu’on ne VOYAIT PAS, et qui pouvaient être N’IMPORTE OU.

Bref, les « chat » ont changé ma vie.

Caramail, yahoo, voila : autant de fenêtres qui se sont ouvertes à moi pour créer des réalités parallèles. Moi qui me sentais frustrée depuis toute petite de ne pas pouvoir vivre les histoires que j’inventais, tout d’un coup, j’en avais la possibilité. Je pouvais avoir vingt-cinq ans et vivre à New York. Je pouvais être en train de traverser une rupture très difficile, et l’homme que j’aimais pouvait m’avoir écrit une chanson qui commençait par « You could be my unintended » (rappelons que Muse n’était pas encore connu à l’époque, ce qui me rendait beaucoup plus crédible). Je pouvais être chanteuse dans un bar à Londres. Je pouvais tout dire, et on me croyait. Ou en tout cas, on faisait semblant. De ces années, j’ai peut-être plus de souvenirs de mes vies inventées que de ma vie réelle. (J’en profite pour faire un bisou à Julien, mon amant de je ne sais quel « chat », à qui j’ai cessé d’envoyer des messages après avoir vu sa photo. Pardon. Certaines relations sont faites pour rester irréelles.)

Et puis, il y a eu les forums, et l’envie d’appartenir à une communauté. Plus question de mentir, donc, surtout quand le virtuel s’installe tranquillement dans le réel. C’est une chose étrange, un forum. On en arrive à partager des trucs très intimes avec des personnes de la France entière et qu’on finit par connaitre mieux que ses potes de lycée. Des trucs qu’en face à face on ne se permettrait pas – de la grosse réflexion intellectuelle à la blague toute pourrie en passant par LA révélation – mais qui sont tout d’un coup beaucoup plus faciles à dire parce que personne ne nous regarde. Parce que, au pire, si la blague est nulle, on peut l’effacer. Parce qu’on contrôle tout et que la personne à l’autre bout de l’autre fenêtre ne pourra pas voir que je parle tout bas, que je me cache derrière mes cheveux, et que j’ai un gros chtar sur le front.

Et donc, c’est ça, l’« extime ».

Ca se prononce à la française, et ce n’est pas du tout un couloir temporel pour aller câliner du tyrannosaure. C’est le préfixe « ex » mixé au mot « intime », et ça donne une définition du type « intimité projetée ». Une intimité qu’on expose en toute intimité. Et l’ « extime », c’est donc LE mot du futur qu’on s’est construit.
Quand on commence à lire les analyses psychologiques que les gens intelligents font des blogs ou des forums, c’est plutôt flippant. Ces décryptages donnent l’impression que nous sommes tous des petits poltrons cachés derrière nos écrans, effrayés par le monde, n’osant plus communiquer directement avec autrui. Que nous avons remplacé la communauté réelle par une communauté virtuelle, et que nous en avons eu besoin à partir du moment où nous sommes passés à un mode de vie individualiste et déritualisé, un mode de vie qui ne nous rassemble plus naturellement alors que nous sommes des êtres de communauté. Alors il a fallu retrouver nos semblables par des recherches Google.

Moi, je ne sais pas trop quoi en penser, sauf que l’homme a probablement de tout temps eu peur de l’autre, et que ce n’est pas Internet qui a changé ça. Pourtant, je n’aime pas tout sur Internet, je serai même plutôt du genre à m’en méfier, voir à l’accabler de tous les maux. Mais je n’y crois pas à une époque bénie où on se tenait tous par la main en chantant « All you need is love ». Le monde extérieur a toujours été plus ou moins une menace pour l’homme. Et puis de toute façon, oui, il est effrayant, ce monde, il est trop grand, trop vaste, trop incompréhensible. On peut y faire trop de choses, prendre trop de décisions, avoir trop de vies différentes. Ce qu’on fait sur Internet, c’est peut-être juste recréer un monde qui fait moins peur parce qu’on le contrôle, parce qu’on peut créer des petits fragments de monde au milieu d’un truc qui est devenu tellement vaste qu’on ne sait plus trop comment créer une communauté en vrai. Je ne sais pas si c’est triste, ou si on n’avait juste pas le choix. Ce qui a changé, au fond, c’est qu’on peut voir les trafics de toutes ces petites communautés. Ce qui a changé, c’est peut-être notre regard de lecteur-voyeur, plus que notre besoin d’intimité avec des animaux comme nous.

Et donc, quoi ?



Puisque "rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme"...


Le futur ce serait...


Ce serait juste une réorganisation du présent.


Voilà qui est fort rassurant en ces temps de grands changements.


Mais je ne suis pas prête de voir des téléportations de dinosaure.

Cf :  Novencento Pianiste 

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