jeudi 19 avril 2012

"Oslo, 31 août" & le cinéma scandinave.












* Islande, juillet 2010 *

Oslo, 31 août. Un jeune homme est assis dans l’obscurité d’une chambre qui donne sur une route surplombée d’un pont. A ses côtés, une femme lui caresse le bras. Quelques minutes plus tard, on le verra traverser une forêt pour se jeter dans un lac, des pierres plein les poches.
 
Et puis ensuite, petit espoir : il remonte à la surface et rentre chez lui.

Ce jeune homme est en centre de désintoxication. Aujourd’hui, il va rentrer pour la première fois à Oslo, pour passer un entretien d’embauche, voir des proches, et réapprivoiser la vie. Tout le reste du film ne sera que la suite de ses pas un peu chancelants dans un monde qu’il a passé plusieurs années à fuir. Chaque scène est une succession d’actes très quotidiens, et tous ces instants banals deviennent d’une importance presque tragique, vus à travers les yeux de ce personnage en rééducation. Et dans cette histoire sombre, la vie de tous les jours, elle, devient lumineuse.
 
Pour raconter cette simplicité, il fallait bien un film scandinave. Il fallait cette lenteur propre aux films venus du Nord, dans lesquels on laisse doucement les choses se mettre en place, le temps de s’attacher aux gens, à des instants qui ne paraissent rien mais qui deviennent beaucoup pour peu qu’on s’y attarde un peu. Il fallait aussi ce contrepoint constant entre la ville grise et le reflet du soleil sur le paysage, entre l’obscurité dans laquelle est plongé le personnage principal, et la lumière du jour, toujours un peu frêle.

Le cinéma scandinave – s’il n’est peut-être pas un genre cinématographique – nous livre en tout cas des films qui me touchent presque à tous les coups. A une époque où les pays du Nord sont souvent considérés comme très évolués socialement, leurs films, eux, semblent prendre le contre pied de ce petit paradis fantasmé en y montrant toute la noirceur. Noirceur poétisée, sublimée, certes, mais noirceur quand même. Un peu comme dans ce film de Solveig Anspach, « Back Soon », dans lequel un jeune homme débarque en Islande des étoiles dans les yeux à l’idée de gambader dans le pays des elfes et de rencontrer son auteur fétiche. Sauf que la poétesse est en fait une dealeuse d’herbe peu encline à écouter ses discours admiratifs, et que les petits lutins sont plutôt des Islandais gentiment barrés qui ne correspondent pas à l’image qu’il s’en faisait. Nous, on a le syndrome du Japonais qui déprime quand il découvre que Paris ne ressemble pas à « Amélie Poulain ». Eux doivent avoir le syndrome du Français qui ne peut voir les elfes que s’il les prend avec des champignons.

Bref, les films scandinaves ont tendance à détricoter le côté bisounours qu’on peut parfois leur donner.

Et d’abord, on y parle souvent de l’ennui. Ou en tout cas d’un certain mal-être qui n’est ni tragique, ni théâtral, mais une mélancolie ambiante, un arrière goût dans la gorge qui ne s’en va presque jamais. Un drame intime, sans grosse catastrophe nucléaire en arrière plan. Quelque chose qu’on peut retrouver dans cet « Oslo 31 août », où chaque instant du quotidien se teinte de drame sans que rien ne se passe pour autant. Un état d’esprit qui faisait pour moi toute la beauté du film « Adieu Falkenberg » de Jesper Ganslandt, qui a achevé de me faire tomber amoureuse de la Suède. Dans la petite ville de Falkenberg (que j’ai fini par visiter un an après avoir vu le film), il ne se passe rien, ou presque. La caméra suit une petite bande de jeunes qui se demandent s’ils vont aller étudier à Göteborg, espèce de cité idéale où les personnes qui en reviennent sont des héros (en vrai, ce n’est qu’à 1h30 de route). Pas de tragédie, mais de petites craquelures infimes qui écaillent la peinture des paysages idylliques dans lequel vit tout ce petit monde. Petites craquelures qui finissent par briser la glace au cours d’un événement qui fera l’effet d’une douche froide (ou d’un saut dans un lac gelé). Pas de spoiler.

Regarder un film scandinave, c’est voir une version poétisée des petits drames du quotidien.
D’où mon incompréhension de la version américanisée de la trilogie « Millennium » de Stieg Larsson, à la sauce David Fincher. Ou comment transformer un roman inscrit dans cette tradition artistique scandinave en une espèce de grand spectacle américain. Dans le livre, Stieg Larsson, comme tout bon Suédois qui se respecte, prend le temps de nous familiariser avec les personnages, leur univers. Les relations entre eux s’installent petit à petit. Et la solitude de Mikael Blomqvist, bloqué dans la neige face à une enquête insoluble reste centrale pendant une grande partie du roman. Et soudain, l’Amérique s’empare de ce petit joyau pour transformer le duo d’enquêteurs en super-héros qui trouvent LA solution à une histoire qui traine depuis vingt ans en vingt minutes chrono. Tout va vite, et on ne comprend même plus très bien pourquoi cette petite sauvageonne de Lisbeth Salander se laisse apprivoiser par le journaliste qu’elle assiste pour l’enquête. Esthétique du spectaculaire, du vite vu, vite assimilé, vite digéré. Et triste ratage pour moi qui avais adoré cette ambiance silencieuse qui m’avait accompagnée pendant ma lecture.

Je ne veux pas descendre à tout va les mécanismes du cinéma américain qui fonctionnent parfaitement pour certains films.

Mais là, non.

Ma première expérience de film scandinave devait être « Jar City », de Balthazar Kormakur. Une enquête de police qui se situe à Reykjavik, et qui m’a traumatisée pendant un moment, m’ôtant toute envie de me rendre là-bas. Dans ce film, les rues y étaient grises, sombres, froides. Je n’ai pas le souvenir d’une seule tache de couleur pendant toute la séance.

Et puis je suis allée en Islande.

Et là…là…

*Magie*

(voir photo)

Un petit blog bien marrant pour découvrir la société scandinave et comprendre les liens entre tous les pays : http://satwcomic.com

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