samedi 5 mai 2012

2 Days in London

* Ce dinosaure est heureux d'être à Greenwich *


La semaine dernière, avec Nyamuk, nous avons décidé de partir à Londres, un peu à l’improviste. Mais comme on est des oufs, on a choisi de partir en bus comme des gros routards. Beaucoup m’ont demandé comment fait un bus pour traverser la Manche. Je vais donc dévoiler ce mystère absolument insoutenable : le bus roule jusqu’à Calais et prend la direction de l’Eurotunnel. Là, le bus se glisse dans un train, qui rentre dans le tunnel, qui lui-même est sous l’eau. C’est incroyable, mais vrai (une référence culturelle se cache ici).

 Londres, j’y suis allée pas loin de dix fois, dans mes souvenirs. Je n’ai jamais rien compris à cette ville, et je me perds à chaque fois que j’y retourne. C’est toujours la même histoire : je sais pertinemment que je suis déjà passée dans tel ou tel quartier, mais je ne reconnais rien, et surtout, je suis incapable de me faire une image géographique de l’endroit. Je crois que mon cerveau rejette Londres. 

 Enfin bref, nous avons passé deux jours à gambader dans les rues, à prendre des photos, à rouler dans les parcs et à admirer les oiseaux. Car si Londres n’est pas vraiment ma ville préférée, je dois avouer qu’ils sont sacrément chanceux niveau volatiles. En marchant simplement dans Hyde Park et St James Park, nous avons pu observer quantité d’espèces dont nous n’avions aucune idée du nom. Nyamuk voyait des canards chinois partout,  et il n’avait pas tout à fait tort, car en faisant une recherche Google Image sur le canard chinois, on voit – en dehors des canards laqués – à peu près tous les oiseaux qu’on trouve dans les parcs londoniens. Mais il n’y avait pas que des canards chinois. Nyamuk a pu s’émerveiller pendant des heures devant ses amies les poules d’eau pendant que je m’attendrissais devant le pigeon en rut courtisant la pigeonne qui n’en a pas grand-chose à faire. La danse nuptiale du pigeon est peut-être une des manifestations naturelles qui me fascinent le plus dans la vie. La manière dont ils gonflent le cou et font trainer leur queue, en tournant autour de la femelle tout en faisant des tours sur eux-mêmes. Fascinant. Et ce petit regard désappointé lorsque, le temps d’un tour, la  pigeonne s’est envolée sans que le pigeon s’en aperçoive. Ca n’a pas de prix. Bref, pour tout ça, Londres aussi m’a gâtée, puisque nous avons eu l’incroyable chance d’assister à la cérémonie de rut la plus longue jamais observée. Et malgré une bonne cinquantaine de tours autour de la pigeonne, le pigeon n’a pas pécho. La pigeonne est difficile. Il faut dire que la pauvre se fait tourner autour tous les jours, toute l’année, alors que quand même, les animaux sont censés avoir des saisons de reproduction, non ? N’ayant aucun répit, je peux comprendre qu’elle finisse par se lasser. De là à faire un parallèle entre la pigeonne et la Parisienne qu’on reproche d’être toujours froide face aux sollicitations perpétuelles de la faune dans les bars, il n’y a qu’un pas. Que je fais, en effet. 

 On pourrait donc penser que ce qui m’aura le plus marqué pendant ce séjour à Londres, c’était les pigeons – et dans ce cas, c’était bien la peine d’aller jusque là bas alors qu’on en a des caisses à Paris, n’est-ce pas ? 

 Hé bien non. 

 Ce qui m’a le plus marquée dans ce voyage à Londres, ça a été le retour. Parce que, comme je disais plus haut, étant des gros routards, on avait pris le bus. Et au retour, à la surprise générale, le bus n’est pas rentré dans le train qui rentrait dans le tunnel qui passe sous l’eau, non, le bus a pris le FERRY. Immédiatement, je me suis sentie revenir des années en arrière, les années collège et les voyages en Angleterre. J’étais alors amoureuse d’un magnifique brun aux yeux bleus qui sortait avec celle qui me semblait être la plus laide de l’école. Je m’étais imaginée des histoires follement tragiques et romantiques sur l’île de Wight où nous allions passer une semaine. Evidemment, rien de tout ça n’est arrivé, mais j’avais maintenant beaucoup mieux puisque j’embarquais sur un ferry avec Nyamuk. Une espèce de revanche sur le temps qui m’a donné envie de faire un mariage chinois dans le fond du bus, mais là encore, Nyamuk a dit non. Peut-être parce qu’il était encore vexé du coup des canards chinois, puisque je ne l’avais pas cru. 

 La traversée s’est faite sur un petit ferry sur lequel nous avons partagé un fish & chips, puis essayé de trouver un canapé confortable. Quand le Graal a été trouvé, la traversée était finie, ce qui laissait un petit goût d’inachevé. Retour donc au bus dans la soute, et descente à Calais où nous étions deux jours plus tôt.

 Dans la dernière partie du voyage, de Calais jusqu’à Paris, je me suis pas mal demandée pourquoi j’avais été aussi enthousiasmée par des pigeons en rut que je ne regarde plus quand je suis chez moi, et une traversée en bateau qui n’avait rien d’exceptionnel. Je me suis aussi demandé pourquoi mes amis qui partent vivre à l’étranger gardent un souvenir très négatif de la France, alors que les étrangers que je rencontre à Paris sont au comble de l’extase d’être dans la capitale du fromage. 

 C’est la THEORIE DE L’EMERVEILLEMENT.
Le fait qu’il suffisse parfois d’un tout petit renouveau pour que tout soit plus excitant.

 C’est étonnant comme il suffit de peu de choses pour que les éléments les plus anodins deviennent tout d’un coup absolument magiques, pour peu qu’on les décale un peu ou qu’on porte un autre regard sur eux. Il suffit de mettre les pigeons à Londres, ou de ne pas prévenir qu’on rentrera en ferry et pas en Eurotunnel. Il suffit parfois d’un petit déplacement pour que tout reprenne de ses couleurs. 

 Ca fait longtemps, maintenant, que je veux partir vivre quelques temps à l’étranger. Parce qu’après vingt cinq ans à Paris, je me dis qu’il faut raviver un peu ma vision de la vie, lui redonner un peu de lustre. Et s’il faut partir dans un autre pays pour que les pigeons en rut me fasse à nouveau rire, alors je prends.

mardi 24 avril 2012

When times are bad.


Pour les jours vides où il faut retrouver de l'énergie pour mettre au moins un pied devant l'autre.
J'aurais plutôt tendance à écouter des trucs vraiment déprimants pour me laisser mourir sur la moquette, mais cette chanson est l'une des rares à me faire plutôt l'effet inverse et à me donner envie de kicker des ass.

Le clip, par contre...
J'aurais plutôt mis une vidéo de kick boxing.

lundi 23 avril 2012

Une après-midi au hammam...





Je me dis souvent qu’il faudrait que j’aille régulièrement au hammam. 

Pas seulement pour lustrer ma peau au savon noir et au ghassoul, pas seulement pour mariner dans la vapeur jusqu’à détente totale de chacun de mes muscles, pas seulement non plus pour bavasser entre copines les seins à l’air. Même si ça en fait partie.

Ce qui me plait aussi, au hammam, c’est cette communauté de femmes réunies pour quelques heures ritualisées, hors du temps.  Le plus parlant étant peut-être celui de la Mosquée de Paris. Ici, on y vient parfois en famille, enfants, jeunes filles, mères, grands-mères, exécuter les mêmes gestes : trente minutes dans le hammam chaud, savon noir, pose, gommage, rinçage, enveloppement au ghassoul, pose, rinçage. Et tout le monde se frotte au gant de kessa dans une proximité moite qui n’a rien de sexualisée. C’est peut-être ça la première leçon qu’on en retire : un rapport au corps un peu plus sain que l’image qu’on veut bien nous en donner au quotidien. 

Je me souviens de la première fois (ou presque) que j’ai vu un corps de femme nue. J’avais vingt ans, premier voyage en Islande, et je n’étais déjà plus une toute petite fille. Là-bas, les douches se prennent obligatoirement à poil. Ce qui peut paraitre bizarre quand on débarque là-bas, mais quand on y réfléchit, c’est quand même mille fois plus hygiénique. Bref. Contrainte et forcée, je me déshabille donc moi aussi, et je me rends compte tout d’un coup que cela me vient bien plus naturellement que ce que je ne pensais. Contrairement aux vestiaires d’EPS ou de cours de danse où je me contorsionnais pour ne pas montrer un seul centimètre de peau. La différence, cette fois, c’était que tout le monde était dans le même cas, et tout le monde trouvait ça normal. Il n’y avait rien d’indécent ou de choquant. C’était dans l’ordre des choses.
Mais le grand déclic a été de pouvoir voir à quoi ressemble une femme. Ca peut paraitre un peu naïf, mais avant cette expérience, je me suis rendue compte que je n’avais jamais été vraiment confrontée à la nudité d’une femme. Et j’ai vu que je n’avais finalement rien de difforme. Que j’étais peut-être même pas trop mal foutue. Que je ressemblais plus ou moins à la majorité des femmes dans cette pièce. Une très grande étape dans l’acceptation d’un corps pendant longtemps rejeté. 

Après ça, je me suis rendue régulièrement au hammam. D’une part parce que j’aimais cette idée de me reconnecter avec mes racines orientales (alors qu’il n’y avait pas vraiment de tradition de hammam en Arménie et que ma famille n’y va plus depuis quelques générations, mais bon…), de retrouver une espèce de rituel social d’un autre temps, et parce qu’il me fait me sentir belle. Parce qu’il me permet de recadrer mon regard sur ce qu’est réellement la féminité au quotidien par opposition aux affiches dans le métro qui nous balancent des bombasses en soutien gorge pour nous vendre du yaourt. 

En sortant de là, je me sens à la fois déchargée de trois kilos de peaux mortes, et de vingt tonnes d’idées reçues sur ce à quoi ressemble un corps féminin en vrai. Ca fait pas mal de poids en moins. 

Meilleur hammam visité so far : Les Cent Ciels
Décor des mille et unes nuits & ambiance feutrée. On peut s'allonger sous un ciel étoilé dans le hammam chaud, se rafraichir dans le bassin illuminé, rester des heures à discuter autour de la fontaine en mosaïque et s'attarder dans les salles de détente et vestiaires qu'on ne veut plus jamais quitter. Bonheur bonheur. 

Pour petits budgets : Hammam de la Mosquée de Paris
Hammam traditionnel & basique mais peu cher par rapport à la plupart des lieux parisiens.
Mieux vaut y aller avec son propre matériel (savon noir & gant) et éviter le samedi après-midi.

vendredi 20 avril 2012

L'ami Ricoré



250 g de farine
1 cuillère à café de sel
4 oeufs
90 g de beurre
1 sachet de levure
150 ml de lait
150 ml d'eau
60 g de sucre
2 sachets de sucre vanillé
1 sachet de poudre à lever
2 cuillères à soupe de rhum

=

Un petit déjeuner à faire des gaufres à boobs.

jeudi 19 avril 2012

"Oslo, 31 août" & le cinéma scandinave.












* Islande, juillet 2010 *

Oslo, 31 août. Un jeune homme est assis dans l’obscurité d’une chambre qui donne sur une route surplombée d’un pont. A ses côtés, une femme lui caresse le bras. Quelques minutes plus tard, on le verra traverser une forêt pour se jeter dans un lac, des pierres plein les poches.
 
Et puis ensuite, petit espoir : il remonte à la surface et rentre chez lui.

Ce jeune homme est en centre de désintoxication. Aujourd’hui, il va rentrer pour la première fois à Oslo, pour passer un entretien d’embauche, voir des proches, et réapprivoiser la vie. Tout le reste du film ne sera que la suite de ses pas un peu chancelants dans un monde qu’il a passé plusieurs années à fuir. Chaque scène est une succession d’actes très quotidiens, et tous ces instants banals deviennent d’une importance presque tragique, vus à travers les yeux de ce personnage en rééducation. Et dans cette histoire sombre, la vie de tous les jours, elle, devient lumineuse.
 
Pour raconter cette simplicité, il fallait bien un film scandinave. Il fallait cette lenteur propre aux films venus du Nord, dans lesquels on laisse doucement les choses se mettre en place, le temps de s’attacher aux gens, à des instants qui ne paraissent rien mais qui deviennent beaucoup pour peu qu’on s’y attarde un peu. Il fallait aussi ce contrepoint constant entre la ville grise et le reflet du soleil sur le paysage, entre l’obscurité dans laquelle est plongé le personnage principal, et la lumière du jour, toujours un peu frêle.

Le cinéma scandinave – s’il n’est peut-être pas un genre cinématographique – nous livre en tout cas des films qui me touchent presque à tous les coups. A une époque où les pays du Nord sont souvent considérés comme très évolués socialement, leurs films, eux, semblent prendre le contre pied de ce petit paradis fantasmé en y montrant toute la noirceur. Noirceur poétisée, sublimée, certes, mais noirceur quand même. Un peu comme dans ce film de Solveig Anspach, « Back Soon », dans lequel un jeune homme débarque en Islande des étoiles dans les yeux à l’idée de gambader dans le pays des elfes et de rencontrer son auteur fétiche. Sauf que la poétesse est en fait une dealeuse d’herbe peu encline à écouter ses discours admiratifs, et que les petits lutins sont plutôt des Islandais gentiment barrés qui ne correspondent pas à l’image qu’il s’en faisait. Nous, on a le syndrome du Japonais qui déprime quand il découvre que Paris ne ressemble pas à « Amélie Poulain ». Eux doivent avoir le syndrome du Français qui ne peut voir les elfes que s’il les prend avec des champignons.

Bref, les films scandinaves ont tendance à détricoter le côté bisounours qu’on peut parfois leur donner.

Et d’abord, on y parle souvent de l’ennui. Ou en tout cas d’un certain mal-être qui n’est ni tragique, ni théâtral, mais une mélancolie ambiante, un arrière goût dans la gorge qui ne s’en va presque jamais. Un drame intime, sans grosse catastrophe nucléaire en arrière plan. Quelque chose qu’on peut retrouver dans cet « Oslo 31 août », où chaque instant du quotidien se teinte de drame sans que rien ne se passe pour autant. Un état d’esprit qui faisait pour moi toute la beauté du film « Adieu Falkenberg » de Jesper Ganslandt, qui a achevé de me faire tomber amoureuse de la Suède. Dans la petite ville de Falkenberg (que j’ai fini par visiter un an après avoir vu le film), il ne se passe rien, ou presque. La caméra suit une petite bande de jeunes qui se demandent s’ils vont aller étudier à Göteborg, espèce de cité idéale où les personnes qui en reviennent sont des héros (en vrai, ce n’est qu’à 1h30 de route). Pas de tragédie, mais de petites craquelures infimes qui écaillent la peinture des paysages idylliques dans lequel vit tout ce petit monde. Petites craquelures qui finissent par briser la glace au cours d’un événement qui fera l’effet d’une douche froide (ou d’un saut dans un lac gelé). Pas de spoiler.

Regarder un film scandinave, c’est voir une version poétisée des petits drames du quotidien.
D’où mon incompréhension de la version américanisée de la trilogie « Millennium » de Stieg Larsson, à la sauce David Fincher. Ou comment transformer un roman inscrit dans cette tradition artistique scandinave en une espèce de grand spectacle américain. Dans le livre, Stieg Larsson, comme tout bon Suédois qui se respecte, prend le temps de nous familiariser avec les personnages, leur univers. Les relations entre eux s’installent petit à petit. Et la solitude de Mikael Blomqvist, bloqué dans la neige face à une enquête insoluble reste centrale pendant une grande partie du roman. Et soudain, l’Amérique s’empare de ce petit joyau pour transformer le duo d’enquêteurs en super-héros qui trouvent LA solution à une histoire qui traine depuis vingt ans en vingt minutes chrono. Tout va vite, et on ne comprend même plus très bien pourquoi cette petite sauvageonne de Lisbeth Salander se laisse apprivoiser par le journaliste qu’elle assiste pour l’enquête. Esthétique du spectaculaire, du vite vu, vite assimilé, vite digéré. Et triste ratage pour moi qui avais adoré cette ambiance silencieuse qui m’avait accompagnée pendant ma lecture.

Je ne veux pas descendre à tout va les mécanismes du cinéma américain qui fonctionnent parfaitement pour certains films.

Mais là, non.

Ma première expérience de film scandinave devait être « Jar City », de Balthazar Kormakur. Une enquête de police qui se situe à Reykjavik, et qui m’a traumatisée pendant un moment, m’ôtant toute envie de me rendre là-bas. Dans ce film, les rues y étaient grises, sombres, froides. Je n’ai pas le souvenir d’une seule tache de couleur pendant toute la séance.

Et puis je suis allée en Islande.

Et là…là…

*Magie*

(voir photo)

Un petit blog bien marrant pour découvrir la société scandinave et comprendre les liens entre tous les pays : http://satwcomic.com

No Futur : vis ma vie d'extime.

* Vision du futur *

Aujourd’hui, j’ai appris un nouveau mot : « extime ».

J’ai d’abord prononcé ce mot avec l’accent british, et je me suis dit que ça avait franchement de la classe. « Extime ». Ca pourrait être une nouvelle avancée scientifique qui permettrait de créer des couloirs dans le temps ? Ou la découverte d’univers parallèles ?

En tout cas, j’ai trouvé ce mot tout à fait futuriste, et il m’a fait – soyons honnête – franchement fantasmer. Il y a une vingtaine d’années (mon dieu, le bon coup de vieux), on m’aurait dit : « Dans les années 2010, le monde sera « extime », mon imaginaire se serait probablement emballé vitesse grand V.

Il faut dire que, petite, j’étais pas mal fascinée par ce qu’il adviendrait de nous. Après avoir paniqué en lisant que le soleil se rapprochait de la Terre et finirait par nous carboniser, ma mère m’a longuement expliqué qu’il était fort peu probable que je vive plusieurs milliards d’années. Ce que j’ai trouvé un peu présomptueux de sa part. Mais enfin, soit, j’ai fini par me faire à l’idée que je ne connaitrai peut-être pas cette époque de mort annoncée.

Par contre, il était évident que je serai encore sur Terre au moment de l’an 2000, et ce chiffre-là me faisait rêver. J’imaginais que la vie serait comme dans ce dessin animé qui transpose la famille Pierrafeu dans le futur. Enfin, ça, c’est ce dont je me souviens, mais de multiples recherches Google ne m’ont pas fait retrouver ce fameux passe-temps télévisuel. Il y avait en tout cas, des soucoupes volantes, et des appartements hyper modernes, qui ressemblaient étrangement – maintenant que j’y pense – à la maison de la famille très très riche dans le film « Mon Oncle ». Il n’est pas impossible que mon jeune cerveau ait mixé les Pierrafeu avec le film de Jacques Tati, mais enfin, « Mon Oncle » a aussi fortement influencé la vision que je me faisais des années 2000. Je me souviens surtout de cette carafe d’eau dont le fond était en forme de culbuto. Je n’avais aucune idée de l’utilité de la chose, mais ça me semblait aussi très futuriste.

Mais ce qui me semblait le plus futuriste du futuriste, c’était : LES VETEMENTS ARGENTES. J’étais persuadée qu’en l’an 2000, tout le monde se promènerait en combinaison en aluminium. Et éventuellement que nous nous déplacerions en voitures volantes, mais cette technologie pourrait peut-être prendre plus de temps. Mais pas les vêtements argentés. Impossible.

Et puis, les années ont passé, l’an 2000 approchait, et point d’aluminium sur mes gilets. J’ai vaguement tenté de lancer la tendance en arborant des Doc Martens argentées, mais ça n’a pas vraiment marché. J’avais juste l’impression d’être une cosmonaute dans la cour de l’école, et ça n’impressionnait absolument personne (l’adolescence est vraiment une période difficile).

Et puis, l’an 2000 est arrivé. Et c’était franchement décevant.

Jusqu’à ce que mon père (médecin) installe un truc absolument incroyable dans son cabinet : INTERNET.
Je me souviens de la première fois que j’ai cru voir le futur s’ouvrir devant moi. Nous étions avec mes frères et ma cousine devant l’ordinateur de mon père. Et… tout… doucement… une… image… s’affichait… sur…l’écran (admirons ensemble cette superbe imitation du 56k).

Ce n’est pas tant INTERNET en soi qui me fascinait parce que bon, je ne comprenais pas grand-chose du fonctionnement de tout ça à l’époque - ha tiens, voilà quelque chose qui n’a pas changé - mais ce qui était formidable, c’était qu’on pouvait PARLER avec des gens qu’on ne CONNAISSAIT PAS, et qu’on ne VOYAIT PAS, et qui pouvaient être N’IMPORTE OU.

Bref, les « chat » ont changé ma vie.

Caramail, yahoo, voila : autant de fenêtres qui se sont ouvertes à moi pour créer des réalités parallèles. Moi qui me sentais frustrée depuis toute petite de ne pas pouvoir vivre les histoires que j’inventais, tout d’un coup, j’en avais la possibilité. Je pouvais avoir vingt-cinq ans et vivre à New York. Je pouvais être en train de traverser une rupture très difficile, et l’homme que j’aimais pouvait m’avoir écrit une chanson qui commençait par « You could be my unintended » (rappelons que Muse n’était pas encore connu à l’époque, ce qui me rendait beaucoup plus crédible). Je pouvais être chanteuse dans un bar à Londres. Je pouvais tout dire, et on me croyait. Ou en tout cas, on faisait semblant. De ces années, j’ai peut-être plus de souvenirs de mes vies inventées que de ma vie réelle. (J’en profite pour faire un bisou à Julien, mon amant de je ne sais quel « chat », à qui j’ai cessé d’envoyer des messages après avoir vu sa photo. Pardon. Certaines relations sont faites pour rester irréelles.)

Et puis, il y a eu les forums, et l’envie d’appartenir à une communauté. Plus question de mentir, donc, surtout quand le virtuel s’installe tranquillement dans le réel. C’est une chose étrange, un forum. On en arrive à partager des trucs très intimes avec des personnes de la France entière et qu’on finit par connaitre mieux que ses potes de lycée. Des trucs qu’en face à face on ne se permettrait pas – de la grosse réflexion intellectuelle à la blague toute pourrie en passant par LA révélation – mais qui sont tout d’un coup beaucoup plus faciles à dire parce que personne ne nous regarde. Parce que, au pire, si la blague est nulle, on peut l’effacer. Parce qu’on contrôle tout et que la personne à l’autre bout de l’autre fenêtre ne pourra pas voir que je parle tout bas, que je me cache derrière mes cheveux, et que j’ai un gros chtar sur le front.

Et donc, c’est ça, l’« extime ».

Ca se prononce à la française, et ce n’est pas du tout un couloir temporel pour aller câliner du tyrannosaure. C’est le préfixe « ex » mixé au mot « intime », et ça donne une définition du type « intimité projetée ». Une intimité qu’on expose en toute intimité. Et l’ « extime », c’est donc LE mot du futur qu’on s’est construit.
Quand on commence à lire les analyses psychologiques que les gens intelligents font des blogs ou des forums, c’est plutôt flippant. Ces décryptages donnent l’impression que nous sommes tous des petits poltrons cachés derrière nos écrans, effrayés par le monde, n’osant plus communiquer directement avec autrui. Que nous avons remplacé la communauté réelle par une communauté virtuelle, et que nous en avons eu besoin à partir du moment où nous sommes passés à un mode de vie individualiste et déritualisé, un mode de vie qui ne nous rassemble plus naturellement alors que nous sommes des êtres de communauté. Alors il a fallu retrouver nos semblables par des recherches Google.

Moi, je ne sais pas trop quoi en penser, sauf que l’homme a probablement de tout temps eu peur de l’autre, et que ce n’est pas Internet qui a changé ça. Pourtant, je n’aime pas tout sur Internet, je serai même plutôt du genre à m’en méfier, voir à l’accabler de tous les maux. Mais je n’y crois pas à une époque bénie où on se tenait tous par la main en chantant « All you need is love ». Le monde extérieur a toujours été plus ou moins une menace pour l’homme. Et puis de toute façon, oui, il est effrayant, ce monde, il est trop grand, trop vaste, trop incompréhensible. On peut y faire trop de choses, prendre trop de décisions, avoir trop de vies différentes. Ce qu’on fait sur Internet, c’est peut-être juste recréer un monde qui fait moins peur parce qu’on le contrôle, parce qu’on peut créer des petits fragments de monde au milieu d’un truc qui est devenu tellement vaste qu’on ne sait plus trop comment créer une communauté en vrai. Je ne sais pas si c’est triste, ou si on n’avait juste pas le choix. Ce qui a changé, au fond, c’est qu’on peut voir les trafics de toutes ces petites communautés. Ce qui a changé, c’est peut-être notre regard de lecteur-voyeur, plus que notre besoin d’intimité avec des animaux comme nous.

Et donc, quoi ?



Puisque "rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme"...


Le futur ce serait...


Ce serait juste une réorganisation du présent.


Voilà qui est fort rassurant en ces temps de grands changements.


Mais je ne suis pas prête de voir des téléportations de dinosaure.

Cf :  Novencento Pianiste