Enfin une journée quasiment parfaite !
Ce matin, j’ai fait la connaissance de mon deuxième coloc,
Johan, qui vit ici depuis un an. Il vient de Stockholm et suit des études
d’ingénieur (en quoi ? j’ai pas bien compris). Mais je ne vais sûrement
pas le voir très longtemps, car il repart demain dans le nord pour passer l’été
avec sa famille, et va peut-être chercher un autre logement à Lund pour avoir
son propre appartement. Lui aussi a l’air adorable et me propose son aide pour tout
ce dont j’aurai besoin.
Plus tard, je me mets en route pour le centre ville pour
trouver des meubles à mettre dans ma chambre. Philipp m’indique un chemin qui
devrait me mener plus rapidement à la gare que ce que je faisais jusque là.
Evidemment, je me perds. Ca aurait été trop simple. Je pensais avoir trouvé le bon chemin ensuite, l'ai pris au retour, tout commençait bien et... je ne suis pas du tout arriver où j'avais prévu. C'est bien la troisième fois que ça m'arrive à Lund. Je suis quasiment sûre qu'il y a un vortex quelque part qui m'emmène à l'opposé de là où je suis censée aller.
Pendant tout le début d’après-midi, je vais réellement
expérimenter le temps suédois. Ce matin, en prenant mon petit déjeuner, il
s’est mis à grêler alors que le soleil était encore là. Ensuite, pendant mon
chemin vers le centre de Lund, la pluie et le soleil s’alternent toutes les deux
minutes. Je comprends donc pourquoi les Suédois n’ont pas l’air d’être gênés
plus que ça par la pluie. Après avoir ouvert et fermé mon parapluie environ dix
fois en quinze minutes, je laisse tomber. Qu’il pleuve sur moi, ça ne va pas me
tuer.
Après un arrêt café / Internet au Herkules, et l’achat d’une
clef 3G en dépannage, je fais quelque magasins d’occasion et trouve un petit
bureau et un meuble à tiroirs pour moins de quinze euros. La plupart des
boutiques à Lund sont des magasins d’occasion où on peut franchement faire de bonnes affaires. Je sens que ma chambre ne sera
pas vide très longtemps. J’achète aussi quelques petits objets de déco, un peu
anodins, mais quand je les placerai un peu plus tard dans ma chambre et dans la
salle de bain, me viendra comme une espèce de soulagement. Du type "Cette fois, je suis chez moi."
Ce soir, je suis censée rejoindre Maja, qui travaille au cinéma de Mejeriet, à Malmö. Elle m’a
proposé de venir à un petit festival de cinéma indépendant. J’ai un à priori
plutôt négatif de Malmö, à cause de descriptions entendues la désignant comme
une ville très industrielle. J’hésite un peu avant de me mettre en route, et finis
par me bouger en fin d’après-midi. Le train ne met que dix minutes pour arriver
là-bas, j’ai presque l’impression de faire un Issy les Moulineaux / Paris, mais
en RER. Arrivée à destintion, je me dirige directement vers l’éco quartier de Västra
Hamnen, dont l’ambition est de créer des bâtiments entièrement avec des énergies
renouvelables. L’eau de pluie serait aussi récoltée pour être réutilisée.
Je marche pendant un moment dans des quartiers en
construction pas très folichons et aperçois de loin la fameuse Turning Torso,
la tour devenue symbole de cet endroit. Il s’agit de plusieurs cubes montés les
uns sur les autres en décalés, ce qui fait que cette tour « tourne »
sur elle-même à 90°. En arrivant au pied de la Turning Torso, j’ai un véritable
coup de cœur pour le quartier. Les maisons en bois avec l’eau qui coule au
milieu. L’architecture simple et moderne. J’avance un peu vers la mer, et
enfin, je respire. Je vois l’eau bleu foncé et bouillonnante à mes pieds, et
plus loin, une superbe vue sur l’Oresud. Tout le bord de mer a été aménagé avec
une longue promenade en bois, et des espaces surplombant l’eau. Des échelles
descendent depuis le bord pour se baigner quand le temps est plus clément. Je
me pose pendant de longues minutes à cet endroit. Le vent souffle très fort dans mes
oreilles, l’eau passe du gris au bleu, et je me revois un an plus tôt à
Falkenberg, criant et chantant face à la mer. Je me souviens de cette énergie
qui m’était venue et c’est la même chose qui me vient à ce moment. Je me
souviens à nouveau de ce qui me plaisait tant ici. L’impression d’avoir un paysage
vivant. Je crois que je suis définitivement amoureuse de la mer Baltique. Il
n’y a pas grand monde sur les dock alors là aussi, je me mets à chanter, tant qu'à faire. Cette fois, j’ai déjà une idée d’un des premiers endroits où
j’emmènerai quiconque viendra me voir en Suède !
Je continue à avancer et marche longuement dans des parcs,
un premier qui longe l’eau, avec de grandes étendues d’herbe et des bancs face
à la mer. Puis un autre, traversé par une petite rivière, très boisé et rempli
de canards. Je commence à avoir une vision radicalement différente de Malmö. Le
parc me mène directement à la vieille ville, Gamla Stan, que je traverse
rapidement en passant par Lilla Torget, une petite place pavée envahie par les
terrasses des restaurants, puis Stortorget, beaucoup plus grande. Je me dirige
vers le quartier de Möllevangen, où je dois retrouver Maja, et traverse pour
cela plusieurs rues pavées, comme à Lund, mais beaucoup plus grandes. Malmö n’a
vraiment rien à voir avec les autres grandes villes que j’ai visitées en Suède,
Stockholm et Göteborg. Je ne sais pas encore si je chercherai un logement ici,
mais je reviendrai clairement y passer du temps !
Je retrouve Maja dans les bureaux de la boite de production
qui organise le festival. Le concept est intéressant : plusieurs personnes
travaillant dans le cinéma indépendant s’inscrivent, et quatre
réalisateurs, quatre monteurs, quatre ingénieurs du son et quatre directeurs de
la photo sont choisis. Puis, les équipes sont
tirées au hasard et tous ces gens qui ne se connaissent pas nécessairement doivent tourner un
film en huit heures sur un thème écrit par un célèbre auteur. Ils auront encore
huit heures pour monter le tout, avant la diffusion qui a lieu ce soir. Le
concept est d’autant plus intéressant qu’un monteur qui serait dans le métier
depuis vingt cinq ans peut se retrouver à devoir travailler avec un réalisateur
à peine sorti de l’école. Le thème commun à tous est l’histoire d’une vieille
femme apparemment connue à Malmö qui squattait justement dans le quartier de
Västra Hamnen, où j’étais un peu plus tôt dans la journée, et dont le manteau
était recouvert de bout de papier noircis de messages politiques. Chaque
réalisateur a donné une vision très différente de l’histoire, oscillant entre
une interprétation très littérale, et des visions un peu plus surréalistes.
Enfin je crois. Ou alors, c’est parce que je ne parle pas un mot de suédois et
j’ai tout compris de travers.
Le reste de la soirée s’est passé à boire des bières
danoises entre le grand appartement où le festival était organisé et la
terrasse en bois éclairée par des lampions. Maja avait apparemment prévenu pas
mal de monde de ma venue, et j’ai pu discuter avec beaucoup de personnes. Dont
cette jeune fille qui travaille dans les politique locales et s’intéresse à
l’aménagement de l’espace urbain pour améliorer l’intégration des immigrants
qui viennent s’installer ici. Malmö est apparemment une ville dans laquelle
beaucoup d’étrangers viennent s’installer, et le problème du mélange des
cultures commence sérieusement à se poser. Peu à peu, les gangs se développent,
et quelques fusillades ont récemment beaucoup ému la population. Pourtant, ce
n’est pas que Malmö soit plus dangereuse qu’une autre ville. Elle est
simplement plus petite, et les « banlieues » sont en fait dans le
centre ville. Tous les problèmes de criminalités qui ont lieu ailleurs, mais
dans des quartiers à part dans lesquels nous ne mettons jamais les pieds, sont
ici beaucoup plus à la vue, du fait de la taille de la ville. Et si Malmö a été
érigée au rang de « ville la plus dangereuse de Suède », c’est parce
que Stockholm et Göteborg ne prennent pas en comtpe, dans leurs statistiques,
tout ce qui se passe dans « leurs » banlieues, qui sont situées en
dehors de leur espace géographique. Malmö ne peut pas se payer ce luxe. Pour
beaucoup ici, il s’agit aussi d’une manipulation politique véhiculée par les
médias, pour ne pas que cette petite ville du sud ne vienne trop empiéter sur
les plate bandes des deux autres. Malmö s’est en effet beaucoup développée
depuis quinze and et bénéficie d’une vraie effervescence culturelle et
diversifiée. Qui a sans doute été renforcée par la construction de l’Oresund, le pont qui relie le Danemark et la Suède, il y a un peu plus de quinze ans maintenant.
Moi, je pense que c’est aussi par rapport à l’Eurovision : les trois
villes se tirent dans les pattes pour organiser l’émission l’année prochaine.
Il y a là un sacré enjeu.
Et puis, entre nous, la ville la plus dangereuse de Suède doit être à peu près au même niveau qu'Issy les Moulineaux.
Après cette soirée, je suis donc rentrée dans ma petite
bourgade à moi, avec un train de nuit. Mes habitudes de Parisienne ne m’ont pas
beaucoup rassurée lorsque j’ai du traverser les rues de Lund à pied, en pleine
nuit et seule. J’ai enfin repéré le trajet le plus simple pour rentrer chez
moi, et je dois pour cela traverser le pont qui surplombe la voie ferrée, puis
emprunter un petit chemin entouré d’arbres que seuls les piétons ou les
cyclistes peuvent emprunter. J’ai mis du Matmatah sur mes oreilles et tout
s’est bien passé. Ne posez pas de questions sur le choix de ce groupe. La
nostalgie de quelque chose, l’envie d’écouter un truc en français qui me
rappellerait mon adolescence. C’était plutôt rafraichissant.
La nuit s’est terminée par l’étrenne de ma clef 3G pour voir
Nyamuk. Quarante minutes qui en paraissent dix. Bref, tout se passe bien.
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